Peinture du chemin de croix à Notre Dame des Anges
Les Amis du Patrimoine Pondichérien communiquent
LETTRE AUX MEMBRES
21/03/ 2012
Chers amis,
Après avoir remis huit Prix du Patrimoine à des restaurations de qualité à Pondichéry depuis notre fondation en 1995, puis avoir initié et participé à la restauration de l’Alliance Française sur le Golfe du Bengale en 2004, appelée aussi la Maison Colombani, les Amis du Patrimoine Pondichérien ont choisi en 2009 de restaurer l’église Notre-Dame des Anges.
Trois motivations principales ont inspiré ce choix.
La première est d’ordre spatial. Chaque matin, l’église Notre-Dame des Anges est le témoin d’un phénomène remarquable. Depuis l’horizon marin, courant droit de Birmanie, le premier rayon du soleil vient toucher la statue de Jeanne d’Arc plantée dans le jardin devant l’église, avant d’entrer par la grande porte et filer jusqu’à l’autel où est célébrée la première messe du jour. Une correspondance qui nous a interpelés.
La seconde est historique. La présence de l’église Notre-Dame des Anges remonte à l’arrivée des Français à Pondichéry, même si l’église actuelle, construite entre 1851 et 1855 par l’ingénieur Louis Guerre, un aïeul de la trésorière de notre association, est la quatrième du nom. En effet, deux moines capucins accompagnaient François Martin en 1674 lors de son installation comme premier Gouverneur de Pondichéry. Or les capucins font partie de l’ordre des franciscains ; d’où le choix du vocable «Notre-Dame des Anges», en écho à l’église Sainte-Marie des Anges d’Assise, où saint François restaura sa première chapelle et fonda sa première communauté.
La troisième motivation est plus humaine et spirituelle. Si la plupart des Français de l’Inde, au cours des trois siècles de leur présence dans le sous-continent, ont débarqué à Pondichéry et sont donc passés devant ou sont entrés dans cette église, sa restauration est aussi l’occasion de commémorer trois grands témoins du dialogue entre l’hindouisme et le christianisme : Jules Monchanin, Henri Le Saux et Bede Griffiths… passés également par cette église.
En plein accord avec le nouveau curé de la paroisse, arrivé en 2008, le père Michael John Antonysamy, les travaux commencèrent donc en septembre 2009. Nous avions alors rassemblé les premiers donateurs et choisi un maître d’œuvre en la personne de Patrick Lafourcade. L’église n’avait connu jusqu’à cette date que des entretiens mineurs, mais jamais la restauration complète qui s’imposait.
Le gros œuvre porta d’abord sur l’étanchéité de la toiture et des murs. Ensuite, les 22 fenêtres de la nef et les 8 fenêtres du dôme furent restaurées ou changées. Puis l’électricité, les haut-parleurs, l’éclairage, la ventilation furent remis à neuf. Enfin, le mobilier en bois, unique à Pondichéry, fut entièrement restauré, ainsi que les vitraux et une partie du dallage. Et vint la peinture…
Laissée toute en blanc après sa construction, l’église n’avait été revêtue qu’à l’extérieur d’un rose napolitain et d’un jaune crème au début du XXème siècle. Quant au blanc intérieur, il s’était grisé avec le temps. Encouragés par le goût de l’Inde pour les couleurs et par notre maître d’œuvre, nous osâmes donc la mise en couleurs ! Les décisions se prirent par concertations progressives entre les uns et les autres, après des consultations auprès de nos experts, sans jamais être imposées d’en haut. Pour l’extérieur, le rose napolitain et le jaune furent maintenus, mais deux couleurs furent choisies pour les douze apôtres : le brun pour les capes et le bleu ciel pour les chemises. Pour l’intérieur, les trois couleurs existantes des vitraux guidèrent les choix : le bleu, céleste et marial, décliné en trois tons différents ; le jaune, solaire et lumineux ; le rouge, traité en un rose beige serein, clin d’œil vers l’Inde. Quant au Chemin de croix, tout en papier mâché, la mise en couleurs qui lui insuffla de la vie fut l’œuvre et l’audace d’une artiste peintre de Pondichéry. Et les trois grandes portes d’entrées elles-mêmes passèrent du rouge brun au bleu marin.
Les travaux de restauration furent achevés pour le jour de sa bénédiction par l’archevêque de Pondichéry le 4 mars dernier. Ce chantier de 2 ans et demi aura connu deux épreuves majeures. D’abord, le décès brutal de Patrick Lafourcade le 4 mars 2011, suivi par celui de Charles de Candappa, trésorier de la paroisse, déposant une gerbe sur le cercueil du premier. Ensuite, le cyclone Thane qui dévasta la région de Pondichéry le 30 décembre 2011, arrachant les arbres et enfonçant les portes de l’église. Mais le bon esprit du chantier veillait et toutes les équipes d’ouvriers s’engagèrent à mener à bien leur travail sous la tutelle du nouveau maître d’œuvre : Samuel Victor, un ami de Patrick Lafourcade.
Aujourd’hui, le travail a repris pour restaurer le mur d’enceinte et préparer le réaménagement du Jardin de Jeanne d’Arc.
L’église Notre-Dame des Anges est redevenue un lieu de silence, de liturgies mais aussi d’ouverture au monde, par l’utilisation des trois langues tamoule, française et anglaise, et par la présence d’une reproduction de la Vierge de Vailankanni, vénérée tant par les chrétiens que par les hindous et les musulmans.
Notre reconnaissance se tourne enfin vers tous les donateurs connus et anonymes, de France comme de Pondichéry, qui ont permis de financer cette restauration, ainsi que vers la Fondation des Vieilles Maisons Françaises et le Gouvernement français qui nous ont accordé leurs subventions.
Cordialement,
Charles H. de Brantes, président des APP.